Emil Michael Klein − Kaspar MĂĽller
Scriblerus Club, (texte sur l'exposition)
Vernissage le vendredi 08 avril 2011 Ă 18h00
Ouverture du 09 avril au 07 mai 2011
je-ve-sa de 14h à 18h et sur rendez-vous *Fermé le vendredi 22 avril
Scriblerus Club
L’exposition regroupe des Ĺ“uvres d’Emil Michael Klein et de Kaspar Müller. Deux jeunes artistes suisses allémaniques qui vivent et travaillent entre Zurich et Bâle.
Sans passer par une description exhaustive de l’ensemble de leurs Ĺ“uvres respectives, ce qui est donné à voir à Circuit montre une évidente distinction entre les deux travaux.
Alors que Klein réalise un accrochage de peintures à priori convenu, Müller investit l’espace d’objets situés à mi-chemin entre le design et la sculpture.
Les deux artistes déploient des productions bien différentes qui argumentent pourtant une exposition solidaire.
La pratique d’Emil Michael Klein parvient à produire des pièces « ovnis » d’autant plus singulières qu’elles s’expriment dans une grammaire artistique des plus classiques. Qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, Klein ne tente aucune action révo- lutionnaire et s’applique à respecter une discrétion formelle qui répond à des canons esthétiques de virtuosité technique. Il y a une démonstration de facture dans les pièces de Klein. Une facture qui frise avec l’artisanat et laisse à penser que ses Ĺ“uvres sont chacune l’exploration d’une technique et d’un matériau. Klein démantèle les codes de l’art en les appliquant rigoureusement à ses travaux. La recherche de l’exploitation du médium s’exprime dans la répétition des toiles et de leurs motifs. Ces derniers, à la limite de l’organique, laissent à imaginer une dissection de la peinture dont les motifs seraient des vues macro de l’essence même de la discipline. Quelque part entre des All Over acceptés et Milton Glaser, les peintures de Klein, accrochées sur les murs blancs de Circuit, malmènent l’Art Noble en en présentant les échantillons dans un jeu de « stupid shapes » envahissant qui rappelle aussi la pratique du graffiti.
Kaspar Müller assure la deuxième partie de l’exposition. Il présente une série de cinq objets hybrides qui, à première vue, semblent plus proches du meuble que de la sculpture. Leur filiation est rendue sensible par leur échelle, leur support et parce qu’il s’agit de cinq boîtes.
Le travail de Müller est une imbrication de formes différentes et dissociées qui, pour chacune d’entre elles, viennent servir une narration. Les scénarios de Müller sont selon les cas plus ou moins explicites. On pourrait voir ici la notion duchampienne de l’objet caché ou l’idée de contenant et de contenu. Et si les boîtes de Müller laissent à voir ce qu’elles contiennent, l’intérêt de la découverte pourrait résider dans la déception. L’artiste incite le visiteur à venir littéralement se pencher sur son travail pour voir ce qu’il contient. C’est de l’herbe de l’eau, une ampoule ou encore des vides qu’il découvrira.
Pour ce qu’il est de l’extérieur des objets, quatre d’entre eux sont placés sur des supports précisément ajustés à leurs di- mensions. Il s’agit de supports métalliques composés de quatre pieds qui viennent appuyer l’aspect mobilier de ces pièces. La cinquième est une bassine de métal rouillant contenant de l’eau. La narration peut être lue dans l’évolution de ses pièces silencieuses vouées à évoluer avec le temps. Leur évolution, c’est en fait leur perte, tout laisse à croire qu’elles attendent leur décrépitude. Ces petits objets austères au destin pathétique apportent une tension tragique ou grotesque au cheminement de l’exposition.
Le dénominateur qui lie Emil Michael Klein et Kaspar Müller s’appelle Galen. Il s’agit d’un lieu qui, quand il n’est pas leur atelier, fait office de lieu d’exposition et d’accueil pour les manifestations artistiques qui auront retenu l’attention de Klein et de Müller.
Galen est en lui-même un lieu singulier ; il s’agit en fait des vestiges d’un hall d’escalier d’immeuble remplacé par un lieu plus spacieux et plus frontal, qui a été muré ; il en reste une sorte de petit studio sur deux niveaux. L’espace marque par la froideur clinique de son revêtement typique des halls d’entrée et la présence d’un ascenseur qui ne mène plus nulle part. À part Galen, rien ne rapproche les travaux de Kaspar Müller et d’Emil Michael Klein.
La radicalité de l’articulation de l’exposition de Circuit – en deux scénarios successifs – fait l’illustration du rapport de travail qui existe entre les deux artistes. Comme à Circuit, l’espace de Galen est séparé par un mur. Cette séparation permet fina- lement une jonction, une manière de relever les liens ou les potentielles connexions dans les recherches des artistes. Plus qu’un suivi, leur rapport de travail relève de l’ordre du commentaire.
Au delà d’un atelier, Galen matérialise une source d’informations et d’échanges.
« The value of thing is just as much as it will bring » , l’intitulé de l’exposition, puisé dans le Capital de Karl Marx ( Le Capital livre I :I.1), constitue le seul élément réalisé en commun par Müller et Klein. Ce premier tome du Capital s’applique à analyser la valeur des marchandises par leurs valeurs d’usage et leurs valeurs d’échange.
On retrouve le titre de l’exposition dans une note de bas de page qui apparaît ainsi dans le livre de Marx : « Nothing can have an Intrinsick value » (N.BABON, op. cit., p.6) ; Butler says :
The Value of a thing
Is just as much as it will bring.
La pertinence de son application à l’art se confirme et prend son sens dans la vertigineuse réflexion sur « ce qui fait art ». Emil Michael Klein et Kaspar Müller proposent une solution dans la valeur d’échange et toutes ses acceptations.
E. L.
pour circuit