CIRCUIT
Centre d’art contemporain
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Vanessa VAN OBBERGHEN

Bland, 2007
copyright Vanessa Van Obberghen and Susanna Kulli Gallery, carton d'invitation A6.

Suite à l’exposition For Another Groupshow, une invitation de CIRCUIT à OBJECTIF_EXHIBITIONS de Anvers (www.objectif-exhibitions.org) CIRCUIT invite, pour une carte blanche, Philippe PIROTTE, initiateur de ce lieu Anversoi. Il y présente sous l’intitulé Strike a Pose un éventail d’artistes participant à l’organisation d’OBJECTIF_EXHIBITIONS ou ayant exposés dans ce lieu.


L’exposition Strike a Pose (littéralement, prendre une pose), rassemblant neuf artistes anversois à Circuit, vise, dans une certaine mesure, rien qu’une sorte d’arrogance, une image que l’on peut donner de soi-même. Mais elle examine également en parallèle comment cette « pose » devient une stratégie artistique questionnant la relation entre un certain public et le rôle de l’artiste. D’autre part, le domaine intentionnel de cette exposition mine les mythologies personnelles ou collectives, trop souvent associées à la production artistique. Une « pose », bien sûr, n’est qu’une simulation ; c’est prétendre ou assumer des airs. Dans ce sens, l’exposition concerne le domaine pervers de la rencontre, assumant le statut conflictuel et éphémère de l’attention.

La référence à Anvers, connue comme une ville de « poses », de style et de mode, est ici indirectement abordée par deux collaborations avec le styliste Walter Van Beirendonck. D’un côté, Luc Tuymans -– sur la base de sa peinture Silence – a fait broder la petite tête d’un enfant mort sur une chemise conçue par Van Beirendonck, comme s’il s’agissait d’une cible sur le dos. Le sarcasme du sujet morbide reflète un « retour du réel » dans le domaine du style. De l’autre, Narcisse Tordoir pousse le styliste Van Beirendonck à expérimenter une « coupe » à la fois peinture et vêtement.
Les contaminations entre le regard, les effets optiques et le niveau psychologique des oeuvres de Carla Arocha inspirent des travaux basés sur différents médias, qui trouvent leur rapport mental dans le domaine de la peinture. La superficialité et l’aspect limpide de son œuvre, presque trop évidents, semblent si suspects qu’ils en deviennent intimidant, comme si les reflets constituaient une menace en soi. Dans l’œuvre d’Arocha, l’artificiel supplante notre perception du naturel, l’« être » est soumis au paraître, comme s’il était le résultat d’un agent biologique. Into the dark fait référence à un attentat terroriste ayant eu lieu dans un métro au Japon et exécuté avec le gaz Sarin, une substance rendant temporairement aveugle. Les deux pièces en miroir réunissent le narcissisme et la mutilation dans une condition inséparable.
La notion de contamination se retrouve également dans les pièces de Vanessa Van Obberghen. Le danger d’un monde envahi par la banalité, soutenu par l’idéologie de la petite bourgeoisie orientée vers une normalité qui méconnaît la différence, hante ses photographies. Paradoxalement, la visualisation du banal d’un monde occidental ivre de désir de sécurité et de sa propre affirmation devient une image malade et presque morbide, une image d’ailleurs accentuée par sa chaise couverte d’un tapis de toilette, un tapis dont on redoute l’hygiène. Une autre photographie reproduit le geste de soutien sur l’épaule d’un homme en signe de désignation du suspect, rappelant ainsi le M for Murder de Fritz Lang.
Dans ses caissons lumineux, Anne-Mie Van Kerckhoven utilise, depuis plusieurs années, des images d’intérieurs ou de salons philosophiques non seulement comme des pensées matérialisées, mais également comme des points de départ à divers traitements picturaux. Ces derniers constituent et dissolvent en même temps la signification possible ; ils se construisent autour d’une rencontre fictive entre l’artiste et le personnage d’un philosophe, et visent une négociation mentale avec la conscience du spectateur.
Même si l’exposition souligne la singularité de chaque pièce et sa relation avec les autres, l’attention est dirigée vers l’objet en ignorant volontairement ses origines ou la constitution de son sujet, une attitude artistique qui a pour dessin de revisiter certaines œuvres canoniques de l’art contemporain. Pour Narcisse Tordoir, la peinture est un modus operandi tant spécifique que versatile. Ses peintures sont basées sur de faux documents créés sur la base d’une action imitant les photographies des happenings d’Allan Kaprow. L’artiste tente ici d’éprouver le médium de la peinture comme un moyen de véhiculer des expérimentations dans un dialogue culturel diachronique. Un journal, évoquant une conférence de presse d’un groupe de rap, témoigne du parcours de l’activité. Dans son projet du Bastard Art Gallery, constitué d’œuvres d’art qui connaissent le même statut qu’un « bootleg » ou qu’un remix musical, Danny Devos nie volontairement les lectures reçues d’œuvres de référence de Donald Judd ou de Gordon Matta-Clark. La rencontre fortuite sur une œuvre de Donald Judd d’une montagne de sable et d’un lac se compose de sable issu d’un puits creusé par l’artiste à Anvers dans le cadre de son projet Diggin’ for Gordon. Ce puit, creusé à un endroit inconnu, fait référence à Office Baroque, une œuvre majeure de Gordon Matta Clark réalisée à Anvers. Le sable extrait du puit d’Anvers, mélangé à de l’eau du Lac Léman, produit une boue placée dans des tiroirs. Ce travail est une référence directe à des œuvres célèbres de Donald Judd. Steve Van den Bosch revisite quant à lui des stratégies conceptuelles en général et poursuit leur logique avec une rigidité à la limite de la crédibilité. Ses œuvres fonctionnent comme des injections fantômes d’œuvres conceptuelles qui auraient pu être réalisées dans leur époque historique. Mais les interventions de Van den Bosch impliquent leur propre « faute » envers cette périodisation. 25 cm off the wall est fait de différents objets trouvés à Circuit, qui marquent la distance respectueuse, typique, prise en compte par un visiteur d’exposition. Rappelant la critique institutionnelle pure et dure, la contemporanéité des objets problématise leur historisation. Cette installation, complétée par un petit dessin, présente une logique interrompue pour qu’elle puisse aboutir.
Les pièces de Boy et Erik Stappaerts se caractérisent par un degré de finissage et par une perfection mathématique analogues aux produits du design industriel. Leur contexte, suggéré ici par une projection vidéo, les démasque comme des fragments de grandes installations architecturales. Les objets eux-mêmes restent en suspens comme des propositions visionnaires d’une société et d’une architecture alternatives. Ses éléments pseudo architecturales et pseudo décoratifs convergent vers une constellation imaginée, dont le but immédiat reste latent.

Philippe PIROTTE
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