Käthe Kruse
Wörterspieler, 2020
tourne-disques portable, double album, coffret multiple, exemplaire n° 2/11
(son activé sur demande)
De la tradition du vinyl, les pressages du temps, vibrations analogiques, plus d’une heure et demie de récitation, intense est un mot faible, 3297 mots comme matériel de base, les substantifs du monde choisis ou créés par des quotidiens allemands, un choix artistique, une lecture subjective, du papier à la voix, de l’encre au son, du réel aux oreilles, une traversée du temps proche (2015-2016), présent rappelé par ses mots, si souvent composés en allemand, zusammengesetzte Wörter, une condensation que le français n’a pas, Werkstoffkreislauf (le cycle des matériaux), Wachstumsprognose (les prévisions de la croissance), des successions et des voisinages inattendus, surprenant, collisionnant, déstabilisant, se raccrocher à l’ordre alphabétique, se raccrocher à quelque chose, incantation, constatation, qui interroge à chaque écoute, remettre le disque, l’aiguille dans le microsillon, que voulons-nous entendre? quevoulons-noussavoir?surquoinousconcentrons- nous quand nous écoutons quelque chose? qu’est-ce que l’attention? au monde, emporter l’appareil avec soi, pour un pique-nique sonore, dans un parc, dans un champ, déjeuner sur l’herbe, mettre un disque, écoutez-ça! les sillons infimes dans le noir, droites spiralantes, les fils noirs des notes dans le blanc du silence, la mélodie obsédante, hallucinante, envoûtante, hypnotique du piano de Myriam el Haik, le rythme infatigable, monotone, tenu, de la batterie d’Edda Kruse Rosset, la fille qui accompagne les mots scandés de la mère, passage, transmission du langage, et les interventions et le mixage d’Alexander Hacke, le guitariste des Einstürzende Neubauten, des basses, des bruits de papier froissé, enregistrés dans une bibliothèque vide à Tbilissi avec Tamuna Karumidze.
Notes libres et incomplètes sur les oeuvres exposées, par Yves Rosset